François est un chasseur. Il suit un cerf, majestueuse « bête à seize
cors dans la lumière dorée d’un jour d’octobre ». Ainsi commence ce roman
avec cette plume tournée vers la nature sauvage environnante.
Les descriptions alpines happent, enserrent, projettent dans un univers fait de rudesse minérale et de beauté végétale.
L’homme traque son cerf, hésite une fraction de seconde. C’est le début
du changement, François le perçoit, le ressent. La balle part, mais
elle blesse au lieu de tuer. François retrouve sa bête mais ne peut l’achever. Un élément, dans sa course, l’a perturbé.
Un frisson me parcourt, me voilà subjuguée. Dans cette ambiance proche
d’un « Natural writing à la sauce des Alpes », Luc Lang y dissèque l’âme
humaine, les failles familiales avec une écriture à la fois sèche et
délicate .
Notre homme est un imminent chirurgien, précis, sûr,
concis. Il emporte le cerf, le soigne dans sa « boucherie » et le laisse
libre… mais non loin de lui, lui offrant foin et eau.
Le cervidé est là, altier et distant, l’observant, attendant.
En recherchant son cerf blessé, François a cru apercevoir sa fille dans
l’habitacle d’une voiture pourchassée par deux motards, telle une biche
prise en chasse elle aussi. Cette vision le hante, il cherche à la
joindre mais Mathilde est aux abonnés absents.
Au même moment, Mathieu, le fils, trader à New-York, menant grande vie, débarque au chalet familial.
Maria, la matriarche, s’est, quant à elle, réfugiée dans un couvent, veillant sur sa folie destructrice.
Et François… lui recoud les plaies mais n’arrive plus à recoudre les
liens familiaux, à retrouver les mots pour panser son angoisse, ou pire,
dire son amour.
Le temps s’est chargé de dilater leurs relations aussi facilement qu’une balle rentre dans un tissu pour pénétrer un cœur.
François accueille alors en lui comme une forme de rédemption dans ce
monde montagneux où règne calme, luxe, whisky cent ans d’âge et musique
classique. Il espère un nouveau lien, un vieux père imaginant le retour
au bercail de ses petits.
Mais le danger rôde, le cerf et le chien
sentent l’humeur sombre des lieux où des véhicules circulent, sombres,
intrigants, menaçants.
La biche surgit alors, une Mathilde apeurée, ensanglantée, tristement accompagnée.
C’est l’heure de l’hallali, le mauvais gibier doit être pourchassé avant sa mise à mort.
Lang nous porte au cœur d’un tableau naturaliste où chaque détail
compte. « La tentation » pourrait être le titre d’une scène de chasse où
François joue avec l’illusion d’être un père, un mari, peu persuadé,
finalement, qu’il peut s’en arracher, ancré dans son état primitif de
chirurgien opulent et de pater héroïque.
De ce jeu illusoire, il ne restera que des cendres.
« La tentation » possède une grande force attractive, mêlant à la fois roman noir et roman familial.
Du grand art, point barre.
Fanny
Alerte ! Bombe littéraire !
Un grand, grand roman noir comme
les Français savent peu en faire. Un presque huis-clos qui se révèle
partie après partie grâce à une construction narrative brillante, des
filtres successifs ajoutant de l’épaisseur, des précisions à une
histoire familiale complexe et à un règlement de compte sur fond de
chasse en moyenne montagne.
Complètement happée aux côtés de François dans ces quelques jours où la tension monte irrémédiablement, je n’ai pu que dévorer le roman d’une traite, impossible de me dégager de l’atmosphère si particulière que Luc Lang met en place.
Amis lecteurs, lisez-le ! Il me semble qu’on en entend trop peu parler
dans cette rentrée et pourtant c’est assurément un des meilleurs textes
que j’aie lu jusqu’ici.
Merci à l’ami facebook qui m’a donné envie de me jeter sur ce livre grâce à sa critique, s’il se reconnaît qu’il se manifeste, j’ai oublié de qui il s’agit…
Aurélie.